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Couture
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Tu as enregistré un disque sur la vie d’Yves Saint-Laurent. Quel est ton intérêt pour la mode et qu’est ce qui t’a amené à t’intéresser à ce créateur, particulièrement ?
D’abord ce n’est pas un album sur la mode, parce que nous estimions que cela n’avait pas beaucoup d’intérêt. De plus, nous n’étions pas suffisamment spécialisés dans ce domaine pour pouvoir prétendre raconter des choses intéressantes. Par contre, nous racontons la vie d’Yves Saint Laurent et les effets qu’elle a eu sur la société, que nous ignorons ou que nous ne rattachons pas forcément à lui ; comme par exemple le fait qu’il ait transféré la garde robe des hommes aux femmes. Par ce geste, il a accompagné les mouvements féministes ou ceux qui avaient pour objectif de libérer la femme. Il a donc participé à accélérer le mouvement, en mettant à disposition des costumes, comme des costumes d’hommes, des smoking, etc…. Il leur a également donné la possibilité d’affirmer leur parti pris et d’avoir des vêtements pour accompagner leurs volontés. Il a été le premier à faire travailler des mannequins noirs, des femmes de couleur dans la haute couture. Il a également été l’un des tous premiers à avoir envie de démocratiser un petit peu la couture, de l’amener dans la rue et de passer de la haute couture au prêt-à-porter, afin de permettre aux gens qui n’avaient pas l’habitude d’accéder à des vêtements de qualité de pouvoir le faire.
Il a affiché son homosexualité très rapidement et ça a aussi permis de faire évoluer la société, en considérant cette communauté au même titre qu’une autre. Indépendamment d’avoir fait des œuvres artistiques et d’avoir renouvelé la garde robe des femmes, les effets de son travail se sont ressentis dans notre société et donc c’est cet aspect là qui nous intéressait le plus et également sa vie, parce qu’il a eu une vie hors du commun, romanesque, une vie riche en rebondissements. Il a un succès phénoménal et une reconnaissance mondiale, il a atteint une reconnaissance comme un grand artiste et non juste comme un couturier. En même temps, il est dans l’impossibilité de trouver le bonheur parce qu’il a un fond mélancolique énorme, une difficulté à communiquer avec les autres. Sa réussite n’a pas rendu possible son accession au bonheur. |
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H |
Hommage
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Récemment tu as participé à l’hommage rendu à Alain Bashung. Tu as choisi d’interpréter Volutes, qu’est ce qui t’a poussé à faire ce choix ? Dans tes concerts tu reprends une chanson de Michel Delpech, quelles sont les autres reprises que tu aimerais présenter au public ? C’est un peu le hasard. Nous avions décidé au sortir des funérailles d’Alain de se réunir et de lui rendre un petit hommage, avant que cela ne soit pris entre les mains des gros médias et des organisations plus douteuses. Nous avons souhaité faire quelque chose rapidement et ne pas le médiatiser. Il y a eu des fuites, il y avait quelques médias présents mais finalement, ça n’a pas été mis en place par les médias et c’était le souci qu’avait Boris Bergman et Jean Fauque, ses paroliers. Ils m’ont proposé de venir chanter. J’avais eu l’occasion de fréquenter Alain, même si ça n’a pas été très souvent, nous avons quand même passer quelques moments ensembles. Je trouvais naturel de venir rejoindre les gens qui avaient envie de se retrouver autour de sa mémoire. Par contre, lorsque j’ai essayé de choisir un titre, j’avais une liste et quand je disais : j’aimerai refaire La nuit je mens ou Madame rêve, c’était déjà retenu par d’autres artistes, donc j’ai retenu Volutes, parce que j’aimais bien, mais ce n’est pas celle que j’aurai forcément faite en tout premier si d’autres avaient été encore libres. *Note : Quand j’étais chanteur |
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A |
Art
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Hormis la musique, quelle forme d’art te touche le plus ? Je suis beaucoup plus fasciné par les choses que je ne maîtrise pas du tout, à savoir le dessin, la peinture, voire la sculpture et même l’art culinaire, même si ça m’intéresse de temps en temps, j’y touche un peu, mais je ne suis pas particulièrement doué non plus. Je crois que toutes les formes d’expression m’intéressent mais elles gardent toutes leur mystère pour moi, indépendamment de la musique, même si la musique a une grande partie qui m’échappe aussi. Dans ces domaines là, il y a des choses qui me touchent plus que d’autres et comme disait Gainsbourg, quand il parlait de l’art mineur et de l’art majeur, il disait qu’il fallait une initiation pour accéder aux arts qu’il considérait comme majeurs, c'est-à-dire la peinture et le sculpture, il avait peut être raison pour savoir apprécier d’une certaine manière l’académisme. Moi, je reste plutôt à l’écart de mes réactions. Face à quelque chose, il y a des choses qui me séduisent et d’autres non, même si ce sont des peintres reconnus ou des œuvres incontestées, des fois elles me laissent un peu à distance, je ne suis pas particulièrement réceptif à ce qu’elles dégagent. D’autres œuvres, peut être un peu plus naïves, quelques fois ou en tous les cas moins encensées peuvent me créer une émotion. Je n’ai pas cette initiation qui semble nécessaire à Gainsbourg. D’ailleurs j’ai des amis qui sont experts dans le domaine de la peinture et c’est vrai qu’il y a un savoir autour de cet art là que je n’ai pas, mais peut être que ça m’empêche d’apprécier certaines œuvres.
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M |
Musique
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Dans la nouvelle génération d’artistes, quels sont ceux que tu apprécies particulièrement ? Lors de tes concerts de l’Alhambra tu as choisi 3 premières parties différentes. Qu’est ce qui t’a amené à vouloir les faire connaître à ton public ? Skye, j’aime bien son jeu, j’aime bien sa voix, sa façon dont elle s’accompagne, sa personnalité. C’est vrai qu’il lui manque encore des chansons, c’est toujours un peu la difficulté. A un moment donné, il faut trouver quoi dire et comment le dire, sous quelle forme. Je pense qu’elle est encore entrain de chercher et qu’elle n’a pas forcément encore trouvé ce qui lui allait le mieux. Mais elle a pas mal d’atouts déjà, c’est sur cette base là que je lui fais confiance, il faut qu’elle rencontre la chanson qui va faire l’unanimité. Pour l’instant ça n’a pas eu lieu. |
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F |
Forum
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Si tu lis le forum qui t’es consacré, que penses tu des rencontres virtuelles qui y ont lieu ? Le forum… il y a beaucoup de choses à dire dessus, à la fois c’était bien qu’il existe, nous nous étions dit à l’origine que ça donnait un espace pour que les gens puissent faire part de leurs opinions sur des sujets divers. Je n’avais pas forcément envie que cela tourne uniquement autour de mon actualité, de ma personnalité, mais que ce soit plutôt une espèce d’espace libre et ouvert. En même temps, je regrettais que ce soit un lieu d’invectives, d’insultes, je trouvais ça dommage car ce n’était pas du tout dans cet état d’esprit qu’il avait été créé. Et puis surtout, j’espérai qu’il vive. Je pense qu’il faut que les gens se modèrent un peu plus dans leurs propos et acceptent que les autres aient des avis différents, que ce n’est pas bien gênant. Chacun peut émettre un avis, simplement ça ne sert à rien de vouloir convaincre l’autre, s’il ne partage pas le même avis. On peut donner ses arguments sans pour autant insulter ou traiter la personne d’imbécile parce qu’elle ne partage pas la même opinion que soi. Dés que ça devenait un peu tendu, je regrettais, ce n’était pas du tout ça que je souhaitais voir circuler sur ce forum. |
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Originalite
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Tes spectacles et tes albums se sont souvent démarqués par le désir de ne pas faire quelque chose de commun. Est-ce comme cela que tu te différencies de tes confrères/consoeurs ? Il est courant de parler de « famille artistique », dans laquelle te placerais tu ? Ce qui me paraît intéressant dans la trajectoire d’un artiste c’est de sentir son évolution personnelle, qu’elle transparaisse dans son travail. Cela a été évidemment le cas pour des artistes majeurs et je trouve que même si on fait un métier, encore une fois pour citer Gainsbourg, qu’il considérait comme un art mineur, qu’il est dommage de ne pas le faire comme un artiste. Quand on a une tempérament artistique, on ne peut pas faire ce métier comme si on avait une petite entreprise et comme si c’était juste de la gestion de carrière à gérer sa clientèle. Ce n’est pas comme ça que je vois les choses et c’est certainement moi qui ai tort vu les résultats, mais bon c’est comme ça. Je pense qu’il y a le show business qui est un modèle américain qui est arrivé, alors les gens ont compris comment on pouvait vendre un artiste et faire en sorte qu’il plaise au plus grand nombre. Certaines personnes se sont prêtées à ce jeu là, certains « artistes » l’ont fait parce que cela leur permettait d’avoir le succès, la renommée et tout ce qui va avec. Il y a eu confusion à ce moment là sur le rôle qu’ils avaient et puis indépendamment d’eux, il est né des gens qui avaient une vérité à exprimer, qui ont pris des routes qui étaient moins faciles, qui ont mis peut être plus de temps et puis qui, un jour, ont rencontré aussi un public et qui ont continué leur route sans trop se soucier de ce que le public attendait d’eux. Moi je trouvais que c’était un peu plus respectable de faire comme cela, parce que nous ne sommes pas là pour entretenir une clientèle mais plutôt essayer d’amener une vision des choses, amener un regard différent sur le monde et essayer de la faire partager. Si elle n’est pas partagée, il faut faire en sorte qu’au moins l’œuvre artistique que nous sommes entrain de proposer soit en harmonie avec notre vie, nos opinions. Même si cela ne marche pas, il y a quelque chose qui m’a l’air plus honnête dans cette démarche là , au lieu de vouloir absolument faire du formatage démagogique, aller dans le sens du plus grand nombre juste pour avoir du succès. Honnêtement, ce n’est pas une démarche qui me paraît valoir la peine. Ce n’est pas ça que j’attends. J’attends plus de faire des choix et de les proposer aux gens. Alors évidemment, j’espère qu’ils reconnaissent quelque chose dedans et que ça corresponde à une partie de leurs espoirs ou de leur sensibilité mais c’est dans ce sens là que je vois les choses. C’est d’abord respecter le travail artistique et ensuite souhaiter qu’il rencontre une réponse favorable. |
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Reve
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Depuis quelques années, les émissions tels la star academy ou la nouvelle star se multiplient, faisant rêver beaucoup de jeunes, pour qui devenir chanteur est la consécration suprême. Qu’en penses tu ? Et est ce un métier qui te faisait rêver à leur âge ?
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Travail
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Tu travailles avec d’autres musiciens. Quelle liberté leur laisses tu dans leur interprétation ? Les laisses-tu participer à la création musicale ? Tu as composé pour les autres, comment fais tu pour poser des notes sur des mots que tu n’interpréteras pas ?
Chacun apporte son savoir faire. Quand on fait un disque, on appelle des musiciens, ils viennent, on leur joue notre chanson, on leur donne des indications sur ce qu’on aimerait, de quelle manière on aimerait qu’ils se positionnent dans ces titres et après eux-mêmes ont leur propre personnalité et ils essaient de se glisser dans ce qu’on leur demande. Ils le font de leur manière propre et c’est toujours quelque chose qu’on n’a pas forcément prévu et qui ne peut être que dans des accidents intéressants. Chaque musicien a une manière personnelle de jouer et plus il va jouer autrement et différemment des autres, plus il sera intéressant parce que c’est ce qu’on va venir saisir en lui. *Note : Duvall |
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Propos recueillis par A.D. |